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Villes résilientes, villes écologiques

Théorie de la Résilience 

La résilience urbaine se définit par la capacité d’un système socio-écologique urbain de persister et de s’adapter aux perturbations extérieures tout en conservant ses structures et ses fonctions essentielles. Le concept de ville résiliente renvoie ainsi à un système urbain complexe ayant ces attributs. La résilience peut être observée de manière spécifique, par rapport à une perturbation précise, ou à l’échelle générale du système (Wu et Wu, 2013).

La ville peut être considérée comme un système socio-écologique complexe. Le système socio-écologique urbain, en tant que système adaptatif complexe (CAS), s’analyse à partir des concepts d’effets de seuil, de points de basculement, de changements de régimes, de cycles adaptatifs et de transformabilité. Le système urbain est caractérisé par sa capacité d’auto-régulation et par l’existence de cycles adaptatifs impliquant plusieurs échelles (espace, temps, organisation) (Wu et Wu, 2013). La compréhension du territoire et des villes comme systèmes adaptatifs complexes, impliquant un vaste nombre de composantes et de relations complexes entre plusieurs échelles, implique la nécessité d’intervenir sur le territoire en adoptant une approche multidisciplinaire et intégrée pour affronter, planifier et aménager cette diversité. De plus, l’interaction entre les diverses échelles systémiques oblige l’intervention menée au niveau local de considérer et de s'inscrire dans une perspective globale. Par exemple, les interventions locales en matière d’aménagement urbain peuvent avoir une incidence sur la trajectoire des changements climatiques.

La soutenabilité de la ville est définie, selon la théorie des systèmes, par la capacité du système urbain d'accueillir la nouveauté, les interventions et les contingences du monde, tout en conservant sa capacité d’adaptation et sa capacité d’auto-organisation stabilisatrice. La soutenabilité des villes est donc tributaire de la résilience écologique des systèmes urbains. Dans un système complexe, les dynamiques sont difficiles à prévoir (Pickett et all., 2001). C’est pourquoi l’aménagement d’une ville résiliente doit s’appuyer sur les critères de diversité, de variabilité et de flexibilité. Des aménagements urbains flexibles, variés et robustes contribuent à la résilience et la soutenabilité du système socio-écologique urbain. 

 

Approches écologiques de la ville

L’approche écologique de la ville considère les villes comme des écosystèmes complexes, dynamiques, sans état d’équilibre unique. Le design urbain informé par l’approche écologique se caractérise par la mobilisation des processus naturels, par la maximisation des services écologiques, par le souci pour la biodiversité et la diversité en général. C’est notamment dans ce courant que s’inscrit les approches participant du nature-based solution (NBS) et du nature-based design (NBD) (Osei et al., 2020).  Dans une perspective écologique, l’aménagement du territoire et le projet de design urbain visent à conférer un surcroît de flexibilité et de résilience aux systèmes urbains.

 

L’approche écologique urbaine peut suggérer également une compréhension de la ville comme un organisme doté d’un métabolisme. L’approche du métabolisme urbain considère les flux de matières et d’énergies au regard de leur transformation et leur consommation dans le système urbain (Pickett et al., 2013). Cette approche encourage l’usage optimal des ressources, de l’énergie et leur recyclage. On y encourage notamment l’utilisation d’énergies renouvelables, la récolte et la gestion décentralisée des eaux pluviales, les constructions écologiques et les bâtiments à haut rendement énergétique, les moyens de transport actifs, etc. (Pickett et al., 2013)

Gestion de l’eau  

Les dispositifs de gestion de l’eau participent à la résilience des villes. Dans une perspective écologique, les systèmes de gestion des eaux pluviales sont décentralisés, gèrent l’eau à la source, adoptent une perspective de gestion de l’eau intégrée, maximisent la coexistence entre la nature et la ville, adoptent des approches de technologies douces travaillant avec les processus naturels et pensent les aménagements urbains pour laisser de l’espace aux cours d’eau (Shannon, 2013). L’approche écologique de la ville invite également à penser l’aménagement du territoire à partir de l’eau (Gomes Sant’Anna et al., 2021).

Les systèmes de gestions de l’eau permettent de réduire le risque d’inondation et de sécheresse, d’offrir des habitats écologiques, d’améliorer la quantité et la qualité de l’eau, de mettre en relation la ville avec la nature et les infrastructures vertes et bleues (Shannon, 2013). Les infrastructures de gestion et de récupération décentralisées des eaux pluviales sont également pensées comme supports et compléments durables améliorant la résilience des infrastructures «grises», produit de l’ingénierie traditionnelle favorisant une gestion centralisée de l’eau par l’intermédiaire de dispositifs technologiques lourds. Les infrastructures de systèmes de gestions de l'eau de pluie décentralisées, dans une approche écologique, viennent compléter ou remplacer les infrastructures grises traditionnelles (tuyaux, pompes, bassins de rétentions souterrains) pour augmenter, notamment, la résilience des systèmes hydriques (Shannon, 2013).

La gestion de l’eau intégrée dans le design urbain est traduite dans les concepts de Water-Sensitive Urban Design (WSUD) et de Decentralised Rainwater Management System (DRMS). Ces approchent encouragent la mise en place de dispositifs décentralisés de drainage et de filtration comme les tranchées filtrantes, les surfaces perméables et poreuses, les milieux humides artificiels et les infrastructures récoltant l’eau de pluie (Maksimović et al., 2014).


Ces dispositifs de gestion de l’eau sont pensés en relation avec un réseau d’infrastructures vertes et bleues tant à l’échelle locale que régionales. Ceux-ci offrent plusieurs services écologiques, comme l’augmentation de la qualité de l’eau, la prévention des inondations et la réduction des ilots de chaleurs urbains. Ces systèmes participent également à la réduction de la vulnérabilité des villes et à l’accroissement de leur résilience (Gomes Sant’Anna et al., 2021). La mise en place d’infrastructures vertes permet de maximiser et de tirer profit des processus naturels inhérents aux milieux humides et aux infrastructures vertes de traitement des eaux pluviales en général (Maksimović et al., 2014). Pour rendre les villes écologiques, la gestion de l’eau doit être appréhendée comme principe structurant de l’aménagement à toutes les échelles, du bâtiment à la biorégion (Wong, 2006). Les initiatives de WSUD doivent intégrer les échelles du site, de la ville et de la région pour être le plus efficaces et créer des écosystèmes urbains plus résilients (Wong, 2006). Les infrastructures vertes et bleues doivent être interconnectées à toutes les échelles pour former un réseau d’infrastructures écologique garantissant un grand nombre de services écologiques (réduction du risque d’inondation, réduction des ilots de chaleur, amélioration de la qualité de l’air) et offrant des espaces de loisirs et des corridors écologiques encourageant les déplacements actifs (Gomes Sant’Anna et al. 2021).

Également, l’aménagement durable du réseau hydrique encourage de  penser la ville avec l’eau et de laisser à l’eau l’espace qu’elle occupe. L'aménagement durable de la ville pense l'aménagement avec la nature au lieu d'essayer de la dominer. Dans cette perspective, le réseau d’infrastructures vertes et les espaces ouverts végétalisés dans la ville et sur le bord des cours d’eau peuvent constituer des lieux inondables conçus pour accueillir l’eau des crues et des inondations (Gomes Sant’Anna et al. 2021). Ces initiatives font partie d’une approche de design urbain sensible à l’eau.  

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Réseau d'infrastructures vertes et corridors de biodiversité reliant le projet du port d’Offenbach 

Source: Masterplan Offenbach Am Main :2030

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Infrastructures de gestion et de traitement décentralisée de l'eau de pluie implantées sur le site d'Offenbach

Source: Dreiseitl consulting

Adaptation aux changements climatiques 

L’adaptation aux changements climatiques est un élément important guidant l’aménagement urbain contemporain. Pour accroître la résilience des villes, les stratégies de mitigation et d’adaptation doivent être combinées (Vivre en Ville, 2013). La résilience des villes face aux effets des changements climatiques dépend de l’environnement bâti et ce dernier doit constituer un lieu d’intervention privilégié pour adapter les environnements urbains et les rendre plus résilients. Pour adapter la ville aux changements climatiques, il faut intervenir sur plusieurs enjeux. Premièrement, il faut éliminer les îlots de chaleurs urbains en déminéralisant les sols et en végétalisant la ville (stationnements, rues, surfaces, bâtiments) pour démultiplier les îlots de fraîcheurs (Vivre en Ville, 2013). Deuxièmement, l’aménagement urbain doit limiter les risques d’inondation et encourager un aménagement sensible à l’eau. Pour ce faire, il faut éviter de construire et minéraliser les zones inondables, et plutôt réduire les surfaces imperméables et privilégier une gestion des eaux pluviales décentralisée par la végétalisation des surfaces, par la construction d’espaces ouverts végétalisés favorisant l’infiltration de l’eau, par un système de canalisation végétalisé, la construction de milieux humides artificiels, etc. Ces mesures permettent de décentraliser et d’alléger le traitement des eaux pluviales à l’aide de technologies douces et en exploitant les processus naturels d’infiltration et de traitement (Shannon, 2013). Ces infrastructures de gestions des eaux offrent également des espaces de loisir et de rencontre favorisant la santé et les déplacements actifs. Troisièmement, l’adaptation des villes dépend de la résilience des écosystèmes dans lesquels ils s’inscrivent et dont ils dépendent. L’écosystème urbain peut gagner en résilience par la mise en place d’un réseau continu d’infrastructures vertes et de corridors écologiques et la préservation d’espaces de biodiversité (Gomes Sant’Anna et al., 2021). Finalement, la résilience de l’écosystème urbain dépend de celle des réseaux de transport, de  communication et d’énergie. En particulier, la résilience du réseau énergétique peut être consolidée par la mise en réseau des sources d’énergie locales et régionales. Favoriser la production d’énergie au niveau local favorise également la résilience du réseau énergétique global (Vivre en Ville, 2013).

Le port d'Offenbach

Le projet inclut un réseau d'infrastructures vertes et de corridors de biodiversité. Ils permettent l'infiltration de l'eau dans le sol, l'amélioration de la qualité de l'eau, l'accroissement de la biodiversité, la réduction des îlots de chaleur, et la multiplication d'espaces de loisir. Ainsi, le tissage des corridors de biodiversité et des espaces verts augmente la résilience des aménagements urbains, relativement à la  lutte contre la chaleur, la pollution de l'air et les inondations. 

Le projet  comporte la mise en place d'un système d'infrastructures de gestion des eaux pluviales décentralisées adoptant l'approche de Water-Sensitive Urban Design. Ces infrastructures permettent de supporter ou encore de se substituer aux infrastructures grises traditionnelles, en améliorant la qualité de l'eau et la résilience des systèmes hydriques. L'approche implique une gestion et un traitement de l'eau en mobilisant des technologies douces s'appuyant sur les processus naturels et les services écologiques des infrastructures vertes.   

Bibliographie

Gomes Sant’Anna C., Mell I., Bongiovanni Martins Schenk L. (2021). « Guided by Water: Green Infrastructure Planning and Design Adapted to Climate Change». In: Catalano C., Andreucci M.B., Guarino R., Bretzel F., Leone M., Pasta S. (eds) Urban Services to Ecosystems. Future City, vol 17. Springer.

Maksimović Č, Mathew Kurian, and Reza Ardakanian. (2014). «Rethinking Infrastructure Design for Multi-Use Water Services», Springerbriefs in Environmental Science.

Osei G., Pooley A., Pascale F. (2020). «A Community-Driven Nature-Based Design Framework for the Regeneration of Neglected Urban Public Spaces» In: Scott L., Dastbaz M., Gorse C. (eds) Sustainable Ecological Engineering Design, Springer.

Pickett S.T.A., Cadenasso M.L., McGrath B. (2013). « Ecology of the City as a Bridge to Urban Design», In: Pickett S., Cadenasso M., McGrath B. (eds) Resilience in Ecology and Urban Design. Future City, vol 3. Springer, Dordrecht.

Pickett S. T. A., Cadenasso, M.L., Grove, J. M., Nilon, C. H., Pouyat, R. V., Zipperer, W. C., and Costanza, R. (2001). «Urban Ecological Systems: Linking Terrestrial Ecological, Physical, and Socioeconomic Components of Metropolitan Areas» Annual Review of Ecology and Systematics, 32:1, 127-157

Shannon, Kelly. (2013). «Eco-engineering for Water: From Soft to Hard and Back», In: Pickett S., Cadenasso M., McGrath B. (eds) Resilience in Ecology and Urban Design. Future City, vol 3. Springer, Dordrecht.

Vivre en ville. (2013). « Adaptation aux changements climatiques », Collectivitesviables.org, Vivre en Ville, décembre 2013. [http://collectivitesviables.org/articles/adaptation-aux-changements-climatiques.aspx] (consulté le 21 novembre 2021).

 

Wong, Tony H F. (2006). «Water sensitive urban design - the journey thus far», Australasian Journal of Water Resources, 10:3, 213-222

Wu J., Wu T. (2013). «Ecological Resilience as a Foundation for Urban Design and Sustainability.» In: Pickett S., Cadenasso M., McGrath B. (eds) Resilience in Ecology and Urban Design. Future City, vol 3. Springer, Dordrecht.

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